Ça a toujours été plus ou moins le cas, mais ces CDD prennent cette année une tournure résolument professionnelle. Je m’adresse à vous en tant qu’auteurs qui prenez au sérieux votre activité, qui avez la volonté de réaliser une vision (j’y reviens) et qui voulez vous mettre en première ligne : sur le terrain avec vos livres, face aux lecteurs, prêt·e à assumer les imperfections inévitables d’un travail vivant.
Professionnel, c’est quoi ?
Professionnel ne veut pas dire que c’est un temps plein, mais que vous avez conscience des aspects commerciaux de votre travail : écrire pour un lecteur, connaître un marché, aller à la rencontre de votre public. Le public, pour un auteur indépendant, cela peut être chaque lecteur, et pour un auteur dans le circuit traditionnel, les éditeurs, agents et autres partenaires. Vous avez conscience que l’on ne communique pas de la même façon avec des éditeurs qu’avec des lecteurs. Vous savez vous adapter, développer une stratégie, et choisir vos actions en conséquence.
Professionnel, cela signifie que vous savez que votre mission principale, c’est d’écrire et de publier. À la fréquence que vous choisissez, mais régulièrement. Dans le genre que vous choisissez, mais en accord avec l’identité de marque que vous voulez donner à votre activité.
Vous savez que l’histoire prévaut sur le style, que c’est elle qui emporte les lecteurs et construit votre réputation : votre capacité à capter l’attention, la maintenir, jouer avec elle pour faire immerger votre lecteur dans votre univers et lui faire vivre des émotions.
Vous vous considérez comme un artisan avant de vous considérer comme un artiste, vous travaillez la matière-langue pour lui donner forme grâce à un ensemble de techniques, d’outils et savoirs-faire que vous acquérez par la pratique et l’étude systématique de l’écriture.
Vous savez que la quantité (d’écriture, d’analyse, de réécriture, de publications) est le terreau sur lequel pousse la qualité. Vous faites de l’écriture une priorité dans votre vie (ce qui ne signifie pas qu’elle soit votre première priorité) et investissez en elle du temps, de l’argent, de la sueur.
Vous reconnaissez les peurs de votre ego, sa crainte d’être insuffisant, de ne pas être aimé, ses doutes, son syndrome de l’imposteur, et les résistances qu’il vous oppose. Vous ne les laissez pas vous empêcher d’être sur le terrain, à la fois sur la page et face au lecteur. Vous savez qu’avoir le trac fait partie du boulot, que l’insatisfaction est le lot de toute démarche créative.
Le pouvoir de la communauté
Vous acceptez que la pratique de l’écriture soit isolée mais ne le prenez pas comme une excuse pour être seul·e. Vous allez au-devant de vos pairs, nouez des relations d’entraide et de soutien – au moins moral. Vous offrez et cherchez les récits d’expériences, et découvrez qu’il n’y a pas un chemin unique, pas de règle pour être auteur. La seule constante, la règle pour tous les auteurs : vous écrivez, rencontrez vos erreurs et vos succès, et, chaque jour, vous vous assurez que vos choix vous rapprochent bien de votre vision. Vous réajustez au besoin.
Vous savez préserver vos intérêts. Vous comprenez que l’affect et l’habitude (de travailler avec un partenaire) n’ont pas leur place dans vos décisions stratégiques. Vous êtes resptueux et poli dans votre communication, y compris dans votre gestion des conflits.
Vous restez humble : tout ce que vous faites, c’est raconter des histoires. Vous savez que le talent, pour autant qu’il existe, ne saurait se substituer au travail. Vous n’attendez pas l’inspiration, vous ne vous enflammez pas pour une page particulièrement réussie. Vous savez que seule compte votre persévérance: un mot après l’autre, une page après l’autre. S’ils sont bons, le seul intérêt, c’est que vous aurez plus de temps pour retravailler les autres.
Vous préférez les résultats tangibles aux promesses en l’air, les ventes à la reconnaissance critique, parce qu’un lecteur qui achète vos livres, c’est la seule mesure objective de la valeur de votre travail. Votre ego aime les lauriers. Vous le laissez profiter des accolades, mais vous les laissez pas vous distraire. Le lendemain, vous êtes à nouveau au travail.
Vous êtes un auteur professionnel, vous prenez plaisir à écrire et à publier. Et ceci est votre manifeste. Il servira de socle à mes communications à venir.
Si vous écrivez juste pour le plaisir d’écrire, si vous aimez avoir une pratique légère, sans pression, comme un hobby ou un loisir, je vous encourage à continuer, mais vous risquez de ne pas vous reconnaître dans mes emails, mes billets, mes ateliers.
Votre vision
Dans trois à cinq ans, vous êtes devenu l’auteur que vous rêvez d’être. À quoi ressemble votre vie ? quand écrivez-vous (précisément) ? qu’écrivez-vous ? qu’avez-vous publié ?
Prenez le temps de répondre, en quelques paragraphes simples, directs, et gardez cette vision sur votre bureau. C’est votre boussole. Elle peut bouger, mais l’essence, elle, se maintiendra.
Cet exercice est moins un exercice de projection qu’une manière d’entendre ce qui est déjà là. Vous savez quel auteur vous souhaitez devenir. Vous savez aussi que vous n’y êtes pas. Et il peut être difficile (parce que, Hello, c’est le découragement!) de formuler votre aspiration. En déplaçant cette question dans le futur, vous enlevez une partie de la peur et des doutes.
Prenez le temps de définir votre vision, c’est une alliée indispensable dans votre parcours. Ensuite, demandez-vous, chaque jour, quelle action simple vous pouvez poser pour vous rapprocher de sa réalisation.
Une progression d’un % par jour suffit pour vous amener à vivre votre ambition plus tôt que vous ne l’imaginez aujourd’hui.
Anael Verdier