Quand je lisais Fatal Fengshui publié chez Piquier, je m’amusais à voir le côté malin de cet ouvrage. [celui de Nury Vittachi, à ne pas confondre avec celui de Leslie Caine]
Ce n’est pas la première fois. Bradbury, Asimov, Dan Simmons et de nombreux autres ont fait la même chose en leur temps. Mais à chaque fois, je souris.
On me demande souvent s’il est possible de changer une nouvelle en roman. Habituellement, je réponds non, parce que les deux formats répondent à des exigences de construction très différentes.
Ce que j’oublie de vous dire, c’est que vous pouvez écrire un roman avec des nouvelles… et que la plupart de vos lecteurs ne s’en rendront pas compte.

Cette technique a de nombreux avantages pour vous. L’un d’eux étant la facilité d’écriture d’un ouvrage de ce type par opposition à un “vrai” roman.
Je vous livre ici quelques astuces pour le faire de manière convaincante.
Mais avant, vous vous demandez sans doute de quoi je parle.
Fatal Fengshui, bien qu’habilement présenté comme “une enquête du maître de Feng Shui” est en réalité une succession d’enquêtes. Des nouvelles comptant une cinquantaine de pages chacune, unies par un prologue et un épilogue qui créent un fil conducteur artificiel entre les nouvelles.
La différence entre un ouvrage de ce type et un ‘vrai” roman, c’est que dans un roman, les événements des premiers chapitres ont une influence directe sur les événements des derniers. Ici, vous pouvez lire les “chapitre” indépendamment les uns des autres et ne perdre aucune bribe de sens.
Vous pouvez même les lire dans le désordre si vous le souhaitez.
C’est vrai deFatal Feng Shui, d’Hypérion, de Fondation, des Chroniques Martiennes… qui sont pourtant présentés comme des romans par leurs éditeurs.
Pour que l’illusion fonctionne au mieux, vous veillerez à multiplier les points communs entre les nouvelles.
- Ici, les personnages sont les mêmes,
- l’objet des nouvelles aussi (une enquête),
- leur style,
- leur ton (un comique de décalage très réussi),
- et un commanditaire commun pour chacune des enquêtes.
Un lecteur non aguerri pourrait s’y tromper.

Pour l’auteur, c’est simple:
- définissez un univers commun,
- un style,
- des personnages communs,
- et écrivez une demi-douzaine de nouvelles.
- Rédigez un prologue,
- un épilogue
et pourquoi pas quelques textes interstitiels comme c’est le cas dans Hypérion et vous avez un roman sans avoir à vous creuser la tête pendant des mois pour assurer la cohérence de l’ensemble.
Autre avantage, si vous n’arrivez pas à placer le “roman”, vous pourrez toujours envoyer les chapitres individuels à des revues, des concours, ou les publier vous-même.
Comme toujours, il s’agit d’être stratégique. C’est un bon calcul que de construire votre histoire de cette manière. Votre attention est focalisée sur des intrigues plus simples. Vous pouvez passer plus de temps à vous occuper des personnages et de la narration qu’à vous arracher les cheveux sur la structure.
Il est beaucoup plus facile de réussir une nouvelle qu’un roman.
Et si vous le présentez bien, un éditeur pourra vous suivre alors qu’ils n’acceptent jamais de recueils de nouvelles.
Pour commencer, comme chaque fois que vous apprenez quelque chose de nouveau, procurez-vous l’un des ouvrages que j’ai cités, et décortiquez-le pour comprendre comment il fonctionne. Remarquez en particulier les similitudes entre les différentes nouvelles (ou “chapitres”), notez toutes les astuces employées par l’auteur pour créer l’illusion de la continuité et remarquez aussi comment cette continuité est en fait factice.
Si cela vous aide, comparez avec la continuité d’un “vrai” roman.
Avant de commencer un nouveau projet, posez-vous cette question:
Quelle(s) nouvelle(s) ai-je déjà écrite que je peux transformer en “roman” sans trop d’efforts ?
Et faites en sorte de reprendre les mêmes personnages/univers/style/thème pour écrire vos prochains textes. En quelques mois, vous aurez un livre de taille conséquente qui aura tous les airs d’un roman.